Échanges et partages avec Nicolas Cousi…

Interview de Nicolas Cousi, participants à la Mini Transat 2021 !

Nicolas a accepté de nous partager ses joies et ses peurs, quelques heures avant le grand départ de la Mini Transat.

Aujourd’hui en mer, nous souhaitons bonne chance à Nicolas et surtout qu’il garde le cap, vous pouvez suivre les aventures de Nicolas sur la page Instagram de Telerys : https://www.instagram.com/telerysteamkouski/

 

Depuis combien de temps rêves-tu de faire la Mini Transat ?

J’en ai beaucoup entendu parler. Je ne pensais pas que c’était facilement accessible. En revanche j’ai toujours suivi avec passion les courses en solitaire ou en double qui se déroulent au large tel que Vendée Globe, Route du Rhum, Transat Jacques Vabre… En Octobre 2019, je me suis rendu compte que c’était possible de pratiquer la Mini Transat car les gens qui y participaient avaient mon profil.

Quels sont les moments que tu attends le plus et quels sont ceux que tu redoutes ?

Le moment que j’attends le plus, c’est l’arrivée en Guadeloupe. Parce que ça veut dire que je l’ai fait ! Tous les moments de bonheur, de contemplation du paysage, les dauphins, les couchers de soleil, le bateau qui avance bien… Tous ces moments qui sont vraiment comme des cartes postales visuelles qui sont uniques et qui ne rendent pas aussi bien à la caméra, ou à l’appareil photo. Ce sont des espèces d’aboutissement de journée, des moments de calme dans une journée ou je sais que ça va être des moments qui seront très forts en émotion mais qui sont assez égoïste et solitaire parce qu’ils sont difficilement descriptible.

Le moment que je redoute le plus, c’est le départ des Sables d’Olonnes parce que c’est le moment ou il y a des risques de rentrer en collision avec des bateaux, que ce soit d’autres concurrents ou des spectateurs et puis tout le monde attend ce départ. Donc il n’est pas question d’en laisser passer devant !

Comment va se passer la vie quotidienne au sein du bateau ?

La vie quotidienne est rythmée de façon assez carré. J’ai des cycles de vie de 3h environ durant lesquelles je fais 2h de navigation donc soit je règle les voiles, soit je prends la barre, le but c’est de faire avancer le bateau. Au-delà de 2h, je commence à fatiguer donc je fais des erreurs et le bateau a tendance à ralentir un peu. L’heure qui suit, je la partage entre vérifier le câble et la navigation, manger un peu, dormir un peu et vérifier le bateau. Il y a des endroits du bateau qui sont très sollicités par la navigation en permanence. Notamment les cordes qui vont retenir les voiles et surtout la grande voile qui va être hissée à peu près toute la durée de la course. Il faut vérifier les points sensibles du bateau pour être certain qu’ il n’y ait pas d’apparition de gros problèmes.

À la fois en bateau il se passe rien pendant 10 minutes mais d’une minute à l’autre c’est jamais la même chose.

Peux-tu me parler de ton bateau ainsi que de sa technicité ? 

J’ai un vieux bateau qui a déjà fait une mini transat en 2019, qui est hyper solide, donc je ne pense pas du tout pouvoir casser. C’est un bateau qui n’est pas très puissant car c’est un vieux dessin de Carène de 2005, je ne me vois pas au classement général avec les autres armes égales parce que les bateaux plus récents ont vraiment des formes qui les font avancer beaucoup plus vite et qui leur permette d’avoir beaucoup plus de voile plus longtemps quand le vent monte.

Nous on est une petite vingtaine de bateaux qu’on appelle les pointus, ce sont de vieux bateaux. Les plus récents doivent dater de 2010. Entre 2003 et 2010, c’était à peu près le même dessin de Carène. On va faire la course entre nous. C’est des bateaux qui ressemblent à des bateaux classiques puisque les bateaux modernes sont très large devant et ressemblent plus à des babouches qu’à des bateaux classique. De plus mon bateau est en bois, il a de très jolies lignes. Je trouve que c’est le plus joli des bateaux ! Mais c’est un bateau en bois, il est relativement raide, ce qui est un bon point pour aller vite mais moins agréable pour le confort.

Quel est ton objectif de la compétition ? 

Le premier objectif c’est de prendre un départ et le faire avec un sponsor. C’est fait ! Ensuite traverser l’Atlantique. Le prochain objectif est d’arriver aux Canaries et de pouvoir prendre le départ de la deuxième étape. Enfin, pouvoir arriver en Guadeloupe. Mais j’aimerais bien faire la course avec les autres bateaux pointus dans lesquels y a des skippers qui naviguent très bien. L’objectif serait de faire un top 7 des bateaux pointus, ce serait une super performance. Mais pour l’instant l’objectif c’est de ne rien lâcher pour pouvoir arriver jusque-là.

As-tu un porte bonheur que tu comptes amener avec toi ? 

Je dirai que c’est la nourriture ! Les boites Cassegrain, ce sont des boites qu’on peut manger froides ou chaudes et ça me rassure vachement d’en avoir à bord parce que c’est bon et ça réconforte quand ça va pas.

Sinon ma voile fétiche c’est la voile “le petit jenneker” qui est une voile qu’on utilise quand il  y a des vents forts. C’est avec cette voile là que je fais les meilleures performances de bateaux. Même si le vent est violent, cette voile y résiste très bien. J’aime bien quand je l’utilise car ça veut dire qu’il y a beaucoup de vent et que je peux avancer vite.

Quel impact a eu la covid-19 sur ta préparation ? 

La covid-19 a beaucoup freiné ma préparation car je n’ai pas pu naviguer pendant 2 mois de confinement. Je me suis retrouvé à faire mes premières navigations à partir de 24h pour la première fois en solitaire au mois de mai et c’était très déstabilisant. ça a été le cas pour beaucoup de monde qui ont débuté cette année. Du coup j’ai un trou de 2 mois et demie ou je n’ai pas pu progresser en voile.

En revanche, cela m’a permis de faire le tour du bateau, de bricoler et de connaître par coeur mon bateau sur tout ce qu’il y a à bord. Je suis devenu incollable car, j’ai un tableau Excel ou se trouve toutes les visses du bateau répertoriées en fonction de chaque pièce. Comme ça si jamais il y a une visse qui pète, je sais comment la remplacer, je sais également ou en trouver sur le bateau. Cela me permet de savoir exactement quel outil prendre en cas de réparation.

Comment tu te prépares psychologiquement et physiquement pour une telle aventure ? 

Il y a des gens qui pensent qu’il faut créer une bulle de concentration, mais moi je ne suis pas tout à fait d’accord. Quand on s’approche de l’échéance, effectivement, il ne faut pas trop se disperser pour ne pas perdre de temps et d’énergie sur des choses inutiles. En temps normal, l’assiduité se fait en bossant sur le bateau tous les jours. Il n’ y a pas une journée ou on ne pense pas au bateau. C’est très prenant et assez lourd donc c’est une organisation qui demande pas mal de temps. Il faut anticiper tout ce qui va se passer, il faut faire des rétroplannings pour ne rien oublier.

L’avantage du Covid, c’est que comme on ne pouvait plus voir les copains, malgré tout c’était plus simple de se concentrer sur autre chose plutôt que d’avoir des temps morts.

Sur le plan physique, je n’ai pas changé grand chose. J’essaye de courir 2-3 fois par semaines. Il faut être en bonne forme physique pour affronter cette course. Étant kiné de profession, j’ai l’avantage d’avoir un métier un peu physique dans lequel je peux facilement entretenir une condition physique qui soit adaptée avec la pratique du bateau.

Quel conseil donnerais-tu à un jeune futur skipper qui souhaite se lancer ?

Je citerai une skipper qui citait déjà quelqu’un, Cécile Andrieux disait ” c’est comme une course de vélo. Quand tu fais du vélo en montagne, faut jamais regarder le sommet parce que sinon tu te dis que tu vas jamais y arriver, et faut juste y aller virage par virage. C’est que quand on arrive en haut de la montagne que tu vois tout ce qu’on a parcouru. ” L’idée c’est qu’il y a cette espèce d’objectif inatteniable au début sur lequel il ne faut pas trop se concentrer, il faut uniquement se concentrer sur chaque étape pour pouvoir atteindre le sommet.

Il ne faut pas se laisser impressionner par la taille du projet et le nombre de choses qu’il y a à faire. Il faut bien être organisé et surtout vraiment y aller petit à petit sinon on n’y arrive pas !

Comment te sens-tu à quelques jours du départ ?

Relativement serein parce que tout est prêt. Le bateau est prêt ! On commence à savoir comment va se dérouler le début de la course donc j’ai pu tout préparer pour que ça soit le plus simple possible. Le bateau est costaud, moi je me sens prêt et hyper reposé, je n’ai jamais autant dormi de ma vie ! Plus la course approche et plus je me sens serein.

La Mini Transat, serait-elle aussi une sorte de voyage intérieure ? 

Oui, la préparation de cette aventure est déjà un gros voyage parce que ça nous force à être hyper concentré et sérieux. Il faut beaucoup d’assiduité et je ne pensais pas que je pouvais l’être autant. On apprend à s’adapter aux autres et à conserver son energies pour les choses utiles et pas perdre de la patience sur des choses qu’on ne peut pas maitriser. Je m’attends à être très ému dans les journées, à avoir des journées horribles, ou je vais demander qu’est-ce que je fais là. Mais je sais aussi qu’à l’inverse, il y aura des moments assez incroyable qui seront difficile à décrire dans lequel y a un sentiment de plénitude et donc je sais que ça arrivera mais j’y mets pas trop d’espoir, j’essaie de me laisser la surprise et de me laisser bercer par la façon dont ça va se dérouler et pas trop l’anticiper pour ne pas être sois déçu, soit complètement impressionné par ce qui va se passer.

As-tu une anecdote à nous partager depuis le début de ta préparation ?

Les moments les plus marquants sont les plus durs. Il y a eu trois moments ou je me suis dit que c’était une connerie de m’être lancé dans cette aventure. C’était la première fois ou j’ai dû  faire 24h en solitaire en mer sur le bateau, avec les batteries en utilisant le pilote. J’étais épuisée, j’avais peur, je n’étais pas vraiment rassuré. J’ai fais une chose que je me suis promis de ne jamais reproduire : c’est que j’ai fais demi-tour avant la fin. J’ai donc fais seulement 18h au lieu de 24h parce que j’en pouvais plus. En plus sur le retour, il y avait énormément de vent qui venait direct sur le bateau, c’était une rude épreuve. Lorsque je suis arrivé au ponton, le vent s’était calmé et je me suis dis “mais en fait c’était trop bien ! Vivement que je reparte ! ” Et je suis parti le week-end d’après et j’ai eu raison puisque j’ai validé les 24h et ça s’est super bien passé.

Le bateau quand on en fait, on peut ne pas être bien sur le moment mais ensuite on se sent super bien. C’est cette envie de repartir et ce dépassement de soi qui fait que ce sont des moments inoubliables.

Cependant quand tout va très bien, il en faut peu pour basculer dans une spirale négative. On apprend sur soi, à gérer ses émotions. Les émotions et le bonheur que j’ai eu sur les premières navigations l’année dernière je les aurais plus parce qu’aujourd’hui, je freine beaucoup ces moments d’euphorie pour éviter un contre coup qui fasse que je ne me sente pas bien. Le fait de se sentir trop bien ou pas bien, ça nuit à la performance.

Quelle entente as-tu avec les autres skippers ? 

On est tous amateurs, on a tous galéré à prendre le départ. C’est très dur pour ceux qui n’ont pas pu y arriver car finalement ils ont fait le même chemin que nous. C’est ce chemin qui est très difficile et incertain. Quand on le réussit, il y a une complicité qui se crée uniquement par l’aboutissement de ce projet. Une entraide, même si c’est du solitaire, on est accompagné par les autres skippers avec lesquels on partage des experiences. On vit les mêmes étapes et en passant par ces moments, en ayant cette experience commune, on a un lien qui se crée. Ce qui se voit sur les pontons, c’est qu’on est moins accessible auprès d’un ami ou un membre de nos familles, alors qu’on l’est immédiatement d’un skipper à un autre.

On est tous au même point, on pense tous à la même chose, on s’entraide beaucoup. Avec certain on se confie beaucoup, que ce soit le stress, l’angoisse. Principalement à travers des blagues !

Quelles sont les valeurs importantes que tu considères principales pour vivre la mini transat ?  

Il faut savoir être très humble, car la remise en cause permet de faire progresser le bateau. Il faut aussi beaucoup d’entraide. On préfère que tout le monde parte en mer plutôt qu’ils ne partent pas. Plus y a de skippers qui prennent le large, plus y en a à battre et plus y a de bateaux derrière soi, plus on a réussit !

Enfin, une grande détérmination car il ne faut rien lacher. Il y a forcément un moment ou plusieurs moments, ou il y aura des dizaines de dizaines de moments ou ça ira pas et ou il y aura tout qui dira qu’il ne faut pas le faire et c’est exactement dans ces moments là qu’il faut avoir une force d’esprit pour se battre et surmonter ces ondes négatives. Il y a des moments ou ce sera beaucoup plus facile de ne rien faire que de continuer et il faut réussir à se donner des objectifs, même tout petits mais qui font avancer le bateau.

Un mot de fin ?

Jacques Brel qui disait “Le talent c’est l’envie de faire quelque chose, le reste ce n’est que du travail et de la sueur”. Quand c’est dur, c’est normal.